Le cœur ciel et l’esprit marine d’Olivia

Depuis 37 ans qu’elle supporte le Hac, Olivia a tout connu : les succès et les déconvenues. Mais à travers le club Ciel et Marine, elle a surtout vu la ville du Havre et la société se transformer, le public et le sport évoluer.

« En CM2 j’étais assise en classe à côté du fils du boulanger. Il jouait au Hac en pupilles et ne faisait qu’en parler.  J’avais envie d’aller voir un match depuis longtemps et je savais que mon père allait au stade de temps à autre. Alors un jour je lui ai demandé de m’emmener. C’était le 11 octobre 1980. Ce soir-là, on a battu Blois 3-0. » Ce souvenir d’enfance, Olivia le raconte comme si c’était hier. La supportrice a depuis usé ses semelles dans les travées du stade Jules-Deschaseaux. Depuis 1981, elle n’a manqué que sept matches officiels à domicile : une assiduité hors du commun. À 46 ans, Olivia Detivelle est la mémoire vivante du Havre Athletic Club (Hac).« S’il y a bien une fidèle c’est elle, témoigne Christophe Revault, ancien capitaine et actuel directeur sportif du Hac. Malgré tous les soubresauts qu’a connus le club, Olivia est toujours là. Quand je la vois, elle et son groupe [Kop Ciel et Marine (KCM) 84, NDLR] partir à l’autre bout de la France pour faire un déplacement, je suis toujours bluffé. » De match en match, de saison en saison, le club Ciel et Marine est devenu bien plus qu’un passe-temps : une passion. « Avec le temps, Olivia a su mêler avec brio son investissement pour le club et sa vie de famille et professionnelle », constate Yann Simon, porte-parole de la fédération des supporters. Et quand elle n’est pas sur le bord des terrains, cette maman de deux enfants partage son temps libre entre la création de son entreprise d’écrivain public et sa fonction de co-présidente de la fédération des supporters. « Quand j’y repense, je ne sais vraiment pas pourquoi suivre le Hac est devenu une tel plaisir, concède-t-elle. Ce qui est sûr, c’est que c’était d’abord pour l’amour du foot. Les copains sont venus après. »

Les souvenirs du Hac s’affichent même jusque dans la chambre d’Olivia. (Crédit photo : Robin Dussenne)

Des genoux de son père en tribune Paul-Langlois à l’effervescence du Kop du stade Deschaseaux, la petite Havraise prend ses marques et finit par s’imposer dans ce microcosme quasi exclusivement masculin. « Je n’ai jamais eu de problèmes à être une fille, tout s’est toujours bien passé, relate Olivia. À l’époque, il n’y avait peut-être que deux ou trois adolescentes et deux mamies. » Au fil du temps, Olivia a vu le foot et la société havraise se transformer, avec un premier tournant en 1998. La Coupe du monde et le parcours victorieux des Bleus changent la donne. Les tribunes se féminisent.

« Venir voir le foot en vrai »

En 37 années de soutien inconditionnel, le renouvellement du public n’est pas la seule chose qu’Olivia a vu changer. Elle regrette que les Havrais désertent le stade pour regarder les matches assis dans leur canapé. « C’est certainement la différence la plus marquante entre hier et aujourd’hui, se désole-t-elle. Les gens, les jeunes en particulier, ne sont plus aussi attachés au club de leur ville qu’avant. Ils n’ont plus l’idée de venir voir le foot en vrai. Ça fait mal. » Un paradoxe d‘autant plus prégnant que Le Havre est redevenue branchée. Son centre-ville reconstruit a été inscrit en 2005 au patrimoine mondial de l’Unesco, et les jeunes arborent avec orgueil le logo LH sur leurs sweatshirts et leurs casquettes, façon équipe de baseball américaine. « Les habitants sont enfin fiers de leur ville qui a à mon sens pris le pas sur Rouen, lance Olivia, un brin chauvine. Mais malheureusement, le club de foot a été mis de côté. »

Pourtant, certains supporters ont fait tout leur possible pour renouveler l’image du club. « Nous avons créé les Barbarians [Ultras du Havre, NDLR] en 1993 dans l’idée de rompre avec l’image trop traditionnelle du KCM, précise Yann Simon. On les trouvait trop mous, trop vieux. » L’arrivée d’un autre groupe de supporters en tribune a contribué à rajeunir le public, mais le football a beaucoup changé en 30 ans. Le développement du professionnalisme et le règne de l’argent, combinés à des résultats en deçà des espérances ont quelque peu modifié le regard des spectateurs sur les joueurs. « Il y a toute une génération de jeunes qui ne connait pas la Ligue 1, admet-elle. Avec le recul, je pense qu’on n’a pas su apprécier les années Hureau 1 à leur juste valeur. » Il est vrai que depuis la fin des années 2000, le Hac s’est habitué aux rencontres du vendredi soir, synonymes de deuxième division. Mais le tableau n’est pas si noir. Le club s’est vu doter en 2012 d’une enceinte flambant neuve de 25 000 places : le stade Océane. Et son centre de formation est reconnu pour être une machine à pépites : en sont sortis Dhorasoo, Lassana Diarra ou plus récemment Payet, Mahrez et Pogba.

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Transmettre l’amour du club

« Des clubs à l’identité forte comme Lens ont réussi à transmettre aux plus jeunes un amour du club, avec des particularités comme les trompettes ou les couleurs. Alors pourquoi pas nous ? » Pour instaurer une authentique culture de club, Le Havre a selon Olivia des arguments à faire valoir. « Le Hac est un club à l’identité britannique forte, explique-t-elle. Nous avons hérité des couleurs des universités d’Oxford et Cambridge et nous sommes le doyen des clubs français. » [Le club a été créé en 1872 par des dockers anglais, NDLR] « Il faut apprendre aux jeunes l’histoire du club, les grands moments sans les saouler, leur rappeler les scènes de liesse à l’occasion de la montée de 2008 ou que Pogba a été formé ici. C’est comme ça qu’on va réussir à mobiliser ! » « Quand on a connu 3 000 personnes debout à chanter pendant 90 minutes, on ne peut qu’être songeuse en repensant à ces souvenirs inoubliables. » Rêveuse consciente, Olivia n’en est pas pour autant nostalgique. Après avoir manqué la montée en Ligue 1 d’un petit but en 2015-2016 et après des résultats en dents de scie cette saison, la présidente du KCM 84 se prépare déjà pour l’année prochaine, animée par cette flamme qui ne s’éteint jamais chez les fidèles supporters. « J’aime bien voir ce qui va se passer et j’essaie d’y participer du mieux possible, confie-t-elle. Depuis l’arrivée de Volpe 2, on a un projet qui tient la route, alors on remet les compteurs à zéro et l’espoir renaît. »

Robin Dussenne

1 Jean-Pierre Hureau a été président du Hac de 1979 à 2000.
2 L’homme d’affaires américain Vincent Volpe est le président du Hac depuis juillet 2015. Il a succédé à Jean-Pierre Louvel.

 

 

Les personnages

 

 


 

La passion d’Olivia en chiffres

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Zoom sur la formation havraise

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Mon meilleur souvenir

Olivia avait 24 ans lors de la remontée du Hac dans l’élite en 1985. (Crédit photo : Robin Dussenne)

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love LH

Esther, havraise de sang pur, voue une passion sincère à sa ville. C’est lors d’un interview que l’on apprend que son cas est plus grave que prévu. Entre passion, illusion et désillusion, elle nous donnerait presque envie de devenir Havre-addict.